Parce qu’un projet de recherche n’est pas toujours facile à suivre pour les personnes en dehors du domaine, c’est aussi l’occasion de faire un peu de vulgarisation.
Le projet PLASSEL
Le nom du projet, PLASSEL, est un acronyme. Il signifie PLASma froid multifréquence à la pression atmosphérique et aérosols de SELs métalliques pour un procédé innovant, safe by design, de dépôt en une seule étape, de couches minces nanocomposites plasmoniques et magnétiques.
Le schéma ci-dessous indique les différentes étapes pour l’obtention d’une couche nanocomposite. L’image est issue de l’ANR.
Nous allons maintenant tenter de vous expliquer les termes un peu techniques du projet.
Qu’est-ce qu’un plasma ?
Avant tout, essayons de comprendre ce qu’est un plasma, élément central du projet. L’état plasma est considéré comme le quatrième état de la matière après les états liquide, gazeux et solide. Ce plasma peut être apparenté à un type de gaz particulier. En effet, un milieu gazeux est naturellement isolant puisqu’il y a très peu de particules chargés dans cet état. Pour créer un plasma, il faut alors rendre cet état conducteur, tout en gardant une neutralité électrique globale. En apportant de l’énergie au millieu, par exemple en y appliquant un fort champ électrique, on vient créer des espèces chargées (électrons et ions positifs) ce qui rend le milieu conducteur.
L’image suivante représente plusieurs types de plasmas en fonction de leur température et de leur densité d’espèces associées.
Dans le cas de notre projet, les études se feront grâce à l’utilisation de plasmas froids et plus précisément aux plasmas froids à pression atmosphérique (≈105 Pa), car il existe également des plasmas froids à basse pression (<1 Pa). Toutefois, cela peut poser des difficultés, parce qu’à pression atmosphérique les électrons parcourent moins de distance avant d’entrer en collisions avec les autres espèces parce que celles-ci sont plus fréquentes. Il faut donc augmenter la tension appliquée sur le gaz pour créer le plasma, ce qui a pour conséquence d’augmenter fortement la température des électrons et à terme de tout le système. Cela peut induire des arcs électriques, qui dans le cadre de notre projet, ne sont pas souhaitables, puisqu’il peut endommager notre système. Ils ont tout de même, dans d’autres cas, des applications utiles comme pour la soudure ou le découpage par exemple. Plusieurs raisons amènent à travailler à la pression atmosphérique et notamment la réduction des coûts, car il n’y pas besoin de pompes onéreuses pour atteindre des faibles pressions. Travailler à cette pression rend aussi possible le transfert de notre procédé de laboratoire vers une échelle industrielle.
Les sels métalliques
Les sels métalliques sont, comme leur nom l’indique, sous forme solide, comme du sel de table. Dans le cadre de notre projet, les sels utilisés sont des sels d’or. Pour pouvoir les injecter dans notre plasma, il est nécessaire de les dissoudre dans un solvant pour obtenir une solution. C’est dans ce dernier que les sels seront réduits. La réduction est le processus par lequel un ion positif, que l’on nommera An+ captera un nombre n d’électrons afin de devenir un atome neutre A0. Par la suite, ces sels réduits, désormais neutres, pourront interagir pour former des nanoparticules d’or (particules dont les dimensions dans les trois plans de l’espace sont de l’ordre du milliardième de mètre).
Le rôle de l’atomiseur
L’injection de la solution de sels d’or dans le plasma se fait sous forme d’aérosol, qui sont des particules fines en suspension dans un gaz. La production de cet aérosol est réalisée par un système de nébulisation appelé atomiseur. La solution de sels métalliques est d’abord mélangée à un gaz sous haute pression. La mise en contact de la suspension liquide et du gaz implique la génération de microgouttelettes fines grâce à l’effet Venturi. Ce nom savant décrit un principe physique simple : si on injecte un gaz à débit constant et que le diamètre du tube du gaz diminue, alors la vitesse du gaz augmente et cela implique une chute de pression en sortie du tube. Cette diminution de pression vient alors aspirer le liquide dans le tube. La taille des gouttelettes générées au départ va dépendre du modèle d’atomiseur utilisé.
Qu’est ce qu’une couche mince nanocomposite ?
Une couche mince est en fait un revêtement d’une épaisseur comprise entre quelques nanomètres à plusieurs micromètres, qui est déposé sur un support que l’on appelle un substrat. L’objectif de ce type de dépôt est de fournir à l’objet des propriétés particulières. Lorsque l’on parle d’objets nanocomposites ou même plus simplement d’objet composite, c’est en réalité un objet qui combine plusieurs éléments, dont les propriétés respectives se cumulent. Lorsqu’on parle de nanocomposites plus précisément il s’agit d’un matériau au sein duquel au moins un des éléments a des dimensions nanométriques.
Dans notre cas, nous avons des sels d’or dans des gouttelettes de solvant. La réduction des sels d’or se fait dans le plasma, entre autres, grâce aux électrons présents. De par sa teneur en carbone, le solvant vient faire une couche mince qui englobe en partie ou totalement les nanoparticules d’or.
D’autre part, les réactions du liquide avec les espèces énergétiques conduisent à la fabrication de la couche mince grâce à un procédé complexe appelé PECVD (Plasma Enhanced Chemical Vapor Deposition) qui n’est autre qu’un dépôt par plasma. Ce procédé est schématisé ci-dessous.
Pour faire simple, le plasma vient apporter l’énergie nécessaire pour dissocier (séparer) les différents éléments chimiques du gaz injecté, ce qui a pour conséquence de déclencher de nombreuses réactions chimiques différentes. Ensuite, les espèces migrent vers le substrat puis diffusent et s’accrochent sur ce dernier. Les éléments chimiques qui ne se sont pas accrochés au substrat ou à la couche mince, ainsi que les sous-produits des réactions chimiques sont ensuite évacués dans la pompe.
Les propriétés des couches nanocomposites
Comme nous l’avons vu, créer une structure nanocomposite revient à combiner les propriétés des différents éléments pris séparément. Nous allons étudier, entre autres, la réponse optique des nanoparticules d’or, qui est qualifiée de résonance plasmonique.
Tout d’abord, le nom plasmon qualifie les oscillations collectives des électrons au sein d’un métal lorsqu’il est soumis à une irradiation par une onde lumineuse. L’interaction entre les électrons libres des nanoparticules et l’onde lumineuse se fait différemment suivant les dimensions de l’objet irradié. En effet, si la taille de l’objet (nanoparticule) est très petite par rapport à la longueur d’onde de la lumière alors on peut considérer que l’ensemble des charges oscillent collectivement. Si par contre la taille de l’objet n’est plus négligeable alors la répartition des charges sera plus complexe.
Lorsqu’une nanoparticule est soumise à une onde lumineuse, 3 phénomènes sont possibles : la diffusion, l’absorption ou la transmission.
De plus, la réponse plasmonique d’une nanoparticule métallique dépend, en plus de la taille, de la nature, de la forme et de l’environnement de la nanoparticule. Elle dépendra aussi des interactions inter-particules dont la nanoparticule considérée est sujette. Les différents cas sont illustrés sur la figure ci-dessous.
Lors d’une analyse optique, less différentes interactions entre électrons libres et onde lumineuse se traduisent par des pics à différentes longueurs d’onde. Chaque emplacement de pic dépendra des différents paramètres que nous avons cités ci-dessus.
Les applications possibles pour ce projet
Une possible application pour ces couches minces plasmoniques serait dans le domaine du photovoltaïque. En effet, les effets plasmoniques des nanoparticules d’or permettraient d’améliorer l’efficacité des cellules photovoltaïques. Sur la figure suivante un exemple simple est présenté.
Dans cas illustré, les nanoparticules sont placées à la surface de la cellule. Suite l’effet d’un rayonnement incident, les nanoparticules vont diffuser la lumière à l’intérieur de la cellule. Celle-ci sera alors piégée et ainsi réfléchie de nombreuses fois, augmentant ses chances d’être absorbée par la cellule photovoltaïque.
Liens
Particules d’or: plasmonique et nanoélectronique. Article rédigé par J Burgin & O. Pluchery, paru dans le magazine l’Actualité Chimique, n°425, Janvier 2018.
Plasmon de surface : physique et applications, article en français publié dans les Techniques de l’Ingénieur en 2014 par Christophe CAUCHETEUR
Les nanoparticules d’or article en français publié dans les Techniques de l’Ingénieur en 2010 par Olivier Pluchery et Marie Carrière
Vidéo Youtube d’un cours en français sur la plasmonique donné en 2016 (2h) par O. Pluchery